Poznan (Pologne)

François de La Rochefoucauld m'a appris que chaque qualité est développée pour compenser une faiblesse, que chaque vertu cache un vice. En ce qui me concerne, l'avarice est seule génératrice du peu d'ingéniosité à ma disposition, et me sert occasionnellement d'élan pour sortir de la paresse. Je peux aussi citer Picsou comme influence majeure.

J'ai par exemple, juste avant mon départ, demandé à ma mère de vite recoudre le short que m'avait prêté mon père il y a quelques années, porté constamment depuis chaque été, pour qu'il en tienne un ou deux de plus. Quand j'établis un bilan de mes biens, je compte mes 5 kgs de graisse superflus, à savoir 38'500 calories, environ 65 repas, et les ajoute à ma fortune. Au travail, j'avais chronométré le temps de marche jusqu'à la timbreuse pour scanner mon badge juste après que la nouvelle minute apparaisse et l'ajouter à mes heures supplémentaires. Lors du choix de la date de ma démission j'ai fait en sorte que mes paies + la rémunération de ces fameuses heures ne franchissent pas le montant exonéré d'impôts.

En ouvrant mon blog à l'instant pour y écrire, étonné du nombre de vues des anciens articles, la surprise et la gratitude font très vite place à la cupidité, je cherche illico combien je pourrais gagner en activant la publicité.

Heureusement je sais parfois jouer des tours à cette radinerie. Quand nous avons finalement trouvé un bon restaurant ce soir, plutôt que de me dire que j'ai payé ce dîner 9.- au lieu de possiblement 3 en allant au supermarché, je me dis que j'ai économisé la différence sur les 28.- que cela m'aurait couté à Yverdon. Je suis donc rentré le ventre plein de succulent porc mariné et les yeux brillants pensant aux 17.- épargnés.

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A Poznan nous avons enfin notre propre logement (petit studio dans l'arrière cour d'une belle maison, cf photo), à Brno nous logions chez Olga, retraitée très prévenante mais avec qui nous n'avions aucune langue en commun.

Partager ces espaces communs c'est son lot de moments un peu gênants, comme la surprendre sur la terrasse équipée d'une meule et d'un miroir en train de se poncer la corne des pieds, ou la classique sortie de salle de bain muni d'un linge qui couvre tout juste le minimum. Mais aussi ces moments de doute : dois-je tirer l'eau après avoir pissé à 4 heure du matin ? Nous prend-elle en pitié à manger des carottes et du tofu Lidl tous les soirs ? C'est surtout ces instants de gentillesse et de tendresse, lorsqu'elle étale devant nous le glaçage au fromage frais sur le gâteau à la carotte avant de nous laisser en couper une tranche, ou alors quand nous rentrons et qu'elle nous accueille toute paniquée, sa tablette ouverte sur google translate à la main avec le message "votre linge est tombé du séchoir juste dans la bassine d'eau sale, mais je l'ai lavé et il sera sec demain".



Commentaires

  1. Quand il vient manger à la maison, il n’oublie jamais son Tupperware pour ramasser quelques restes. Mais maintenant j’ai ma combine. Je ne dépose sur la table que ce qui sera suffisant (s’il a 5 kilos de graisse de marge, ce n’est pas de ma faute). Quitte à cacher un peu de rab que je ressortirai au cas où j’ai prévu vraiment trop chichement.

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  2. merci pour le temps, les sous et tout ce qui est de toi pour avoir ce plaisir de lire tes commentaires. pour le short au dernier moment, y a pas mieux que d'être ta maman.

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  3. Je suis déjà triste du jour où ce blog s'arrêtera !

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    1. Tu achetais déjà des livres Picsou d'occase.

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  4. J'aime la fille sur la photo.

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  5. Je subodore une vérité alternative à cette sombre histoire de short.
    Co-habiter avec son vice, c'est aussi développer des stratégies de protection pour conserver une forte estime de soi. Ainsi, lorsque DSA est tombé nez à nez avec ce short vacant, peut-être aura-t-il sincèrement pensé "tiens, si personne ne le porte, c'est qu'il doit être à donner" et de s'empresser de l'enfiler avant de quitter son hôte. C'est au moment où DSA vous demande des nouvelles du vêtement disparu (short, chemise ou pull brun à capuche cozy) que vous savez qu'il est vain d'espérer une restitution a l'amiable.

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